COMMENT RÉUSSIR À HOLLYWOOD QUAND ON EST FRANÇAIS ET DANS LA FINANCE

DE ANNE CHAON (AFP) – 9 SEPT. 2011

 

TORONTO – De Toulon, France, à Sunset Boulevard, West Hollywood, Richard Rionda del Castro a franchi l’océan qui le séparait de ses rêves. Producteur prospère, il est à Toronto pour vendre ses deux derniers films : “Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre”, telle est sa devise. En 11 ans, il a produit quelque 25 films avec une règle intangible : “Ne jamais financer ni produire un film sans l’avoir déjà vendu. Même si j’aime l’histoire, le réalisateur, les acteurs”, prévient-il, calé dans le cuir blanc d’un fauteuil de sa suite avec vue sur la ville, où il est présent pour la 36e édition du Festival du film.

Rêveur, mais pas poète. C’est en concentrant la prise de décision dans sa société, Hannibal – développer un projet, le produire, le financer et le vendre – que ce “frenchman” de “la Riviera” a fait son trou à Hollywood.

A 44 ans, Richard Rionda del Castro a épousé la “coolitude” californienne et tutoie d’instinct : “En France, si tu n’es pas né formaté, dans une famille de cinéma, même avec de bons diplômes, une bonne éducation, les portes restent fermées”.

Lui est né à Toulon, a grandi en Afrique de l’ouest, prépa HEC, premiers jobs dans la finance à Bordeaux. Jusque-là, du presque classique. Quand il rencontre des investisseurs américains qui cherchent des placements dans le cinéma, il leur emboîte le pas et atterrit à Los Angeles en 1993.

Deux ans plus tard, il fonde sa propre société de vente de films américains à l’étranger: “Je me suis spécialisé dans les petits pays compliqués, la France, la Grèce, le Portugal, et l’Argentine et le Brésil à l’époque…”

“Je ne connaissais rien au cinéma, mais je me suis fait d’abord un réseau d’acheteur. Ensuite je me suis mis à produire moi-même pour ces distributeurs” avec sa société Hannibal.

En 1999, il sort “Le Hollandais Volant” avec Rod Steiger. Pas l’œuvre du siècle, mais un pied dans la porte.

Dix ans plus tard, il gagne son “premier million de dollars” avec “Crime Spree” (“Wanted”, en France), qui réunit Gérard Depardieu, Renaud, Johnny Hallyday et Harvey Keitel.

Et il enchaîne ensuite les tournages avec Bruce Willis, Adrien Brody, Antonio Banderas, Kevin Spacey et trois films avec le rappeur 50 Cent – dont son préféré, “Things fall apart”, sur un footballeur américain au faîte de sa gloire qui se bat contre un cancer.

Richard Rionda aime ces “up-lifting drama”: ces drames qui finissent bien. Il les vend “partout, en Chine, en Inde”, même s’il faut pour garder le contact faire des sacrifices : le même film vendu un million de dollars à l’Allemagne est lâché à 150.000 en Chine.

Ses budgets à lui se sont longtemps limités à 7 à 12 millions de dollars par film. Aujourd’hui, il enclenche la vitesse supérieure et vend à Toronto ses deux dernières productions, “Touchback”, avec Kurt Russell et “Set Up” avec 50 Cent et Bruce Willis. Pour des budgets respectifs de 17 et 22 millions de dollars.

Pour le prochain, “Sleight of Hands” (“Jeux de mains”), il a signé Megan Fox et Justin Timberlake. Il voulait tourner à Paris, il a même créé une société de droit français pour ça, Marco Polo. “On l’a annoncé à Cannes en mai, mais les télés françaises sollicitées pour boucler le budget n’ont pas suivi. En plus tourner à Paris était exorbitant. Du coup on le fera à La Nouvelle-Orléans”.

C’est, dit-il, “le parfait exemple” de ce qu’on n’arrive pas à faire avec la France, dénonçant “le manque terrible d’ambition des distributeurs”.

Au fait, Hannibal, c’est pour le tueur du “Silence des Agneaux”? “Pas du tout, c’est un truc de marketing: Hannibal, tout le monde connaît et peut le prononcer, partout dans le monde”.